Cingria Charles-André – Bois sec bois vert

Cingria Charles-André – Bois sec bois vert: Un recueil de textes diversifiés, publiés entre 1925 et 1947 : des nouvelles, du fantastique, une étude, le récit de son retour chez lui après sept ans d’absence (le titre de ce recueil), de l’archéologie et des digressions comme toujours, des réminiscences entre époques différentes qui rappellent la permanence des choses, des théories, de l’imagination et un style unique, désordonné mais génial.

Censé être le premier volume d’Œuvres complètes, un projet de Jean Pauhlan qui ne fut pas poursuivi, Bois sec Bois vert, collationne plusieurs nouvelles déjà publiées indépendamment (certains dans Stalactites). Le contenu, finalement, contient tout et rien, des coqs à l’âne et des associations ant d’Ostie, le port de Rome, au Paris de la libération, à des flâneries ou à la redécouverte de son chez soi (leslibraires.ca) : « …avec Cingria j’ai découvert un grand maître de la langue française, et un styliste hors pair. Tous les mots, toutes les expressions semblent avoir été constamment présents en même temps à cet esprit inquisitif, observateur et associatif. […] Rarement avant de lire Cingria avais-je rencontré d’auteur qui donne autant le sentiment d’arpenter la langue et la littérature française, suscitant d’un pied poétique des appels de phrases, de paragraphes, de syntaxes nouvelles, de pages inouïes, à chacun des accidents du monde d’idées et de mots qu’il e son temps à entreprendre. » (Garvoz , 2021)

« Un de mes premiers actes, l’iration ée, est de le dre à deux bûches bien sèches pour en faire la troisième. J’ai alors ce plaisir qui m’a cruellement manqué : je réalise un feu de cheminée.
C’est ici le lieu peut-être de constater à quel point l’on est absurde dans les pays soi-disant actuels d’où j’arrive, après six ans de cruels affronts et d’instabilité diminuante. L’on se confie à de merveilleux appareils qui serpentent dans les immeubles, étant sensés y apporter la chaleur. Les cheminées ont été oubliées, les architectes ne savent plus en faire. […] Les Barbares avaient un feu, les Astèques avaient et ont encore un feu. Je les envie beaucoup au regard de l’inconfort physique et spirituel surtout – car le feu qu’on voit intéresse la fantaisie – de ces blocs de ciment glaciaires que sont les maisons des architectes actuels. »

« C’est épouvantable d’avoir affaire à une humanité privée d’opinion, ou la hiérarchie bancaire ou militaire ou ferroviaire domine tout ; ou un poète est un déséquilibré, un aquarelliste, un saltimbanque. […] vous tous dont les pinceaux d’aquarelles allègres tintent contre les verres sur vos humbles tables tandis que se commet la poésie la plus tendre qui se puisse situer dans les tresses d’or d’amour des archipels phosphorescents ! »

Né et décédé à Genève (1883-1954), le futur « aventurier de l’écriture » (Corbellari, Alain, 2021) qui aimait à se définir comme « italo-franc(o)-levantin » (id.), commence par la musique avant de s’intéresser à la littérature. À 24 ans, ses amis décident sans l’avertir de publier l’une de ses lettres au vu de sa qualité. Succès. Établi à Paris, l’écrivain naîtra vingt-trois ans plus tard, après une arrestation de trois mois en Italie liée à son homosexualité, mais restera inclassable dans son mélange des genres, ant du é au présent, déroutant par son écriture et son art de conteur émaillé de digressions volontaires. Mais malgré la reconnaissance de ses pairs – citons, entre autres, Ramuz, Stravinsky, Paulan, Claudel (dont il s’éloignera), Cocteau, Max Jacob, Artaud, Satie ou Robert Desnos – il vivra dans une certaine misère. Une année après la publication du présent ouvrage, sa santé se détériore. Il partage son temps entre Paris, le midi et la Suisse et décède en 1954 à Genève.

Maryke de Courten, Charles-Albert Cingria, in Roger Francillon (dir.), Histoire de la littérature en Suisse romande, t.II, Lausanne, Payot, 1997, pp.449-471 cité par Les Amis de Charles-Albert Cingria Cingria.ch ; Association des amis de Charles-Albert Cingria ; Garvoz, Yann. (Re)découverte d’un écrivain remarquable : C.-A. Cingria, cyclopédiste de la langue, in La Bibliothèque des sables, 2021 ; Corbellari, Alain. « Un aventurier de l’écriture Musée », in National, Blog sur l’histoire suisse, version du 06.2021 ; Les Libraires.ca présentation de l’édition Gallimard, 1948.
Image de première page : photo, Anne van de Perre, maquette Laura Barr-Wells.

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