
Decour Jacques – Philisterburg: En 1930, un jeune assistant français ionné de Goethe et de culture allemande se rend à Magdebourg dans le cadre d’un programme d’échange linguistique entre les gymnases/lycées européens. Il tient un journal dans lequel il note des anecdotes sur les personnes et les lieux qu’il rencontre, les façons de vivre ou d’enseigner. Il se retrouve dans une Allemagne troublée qui ne digère pas le traité de Versailles, nostalgique pour une part du conservatisme prussien, autoritaire et hiérarchique, alors que gagne d’influence le mouvement hitlérien national-socialiste qui accuse les libéraux d’être responsables des conditions économiques désastreuses avec une forte inflation et une montée du chômage qui découlent de cette période de crise.
Ce court texte, basé sur le vécu de l’auteur, est l’occasion de constater dans une petite bourgeoisie de province quelque peu chauvine, l’émergence de discriminations. « Dans ce tournant dangereux de l’histoire », Decour s’interroge : un intellectuel a-t-il le droit de rester indifférent ? Sa réponse est nette : « Je suis de ceux qui croient que les opinions engagent. » (Source : Burlaud, Anthony. Philisterburg, Jacques Decour, in Le Monde diplomatique, septembre 2023.)
Extraits : Hitler, qui sait l’importance de la presse, dépense beaucoup d’argent pour ses journaux, qui sont nombreux et bien rédigés. Il y prend à partie toutes les autres feuilles, qu’il englobe sous le nom de « jour-naille » et qu’il déclare corrompues. […] Le Philisterburger Anzeiger, qui s’abstient craintivement de tout jugement politique, ne contient que des faits divers […] La critique du système en vigueur fut faite avec beaucoup de violence. Hitler et ses orateurs annonçaient la venue du « troisième empire ». « Nous ferons rouler des têtes », criaient-ils. […] La décision, la violence de ces hommes énergiques lui en ont imposé. Le 14 septembre 1930, il a envoyé cent huit députés du parti au Reichstag.
Le parti considère cette élection comme un premier triomphe de ses idées. À vrai dire, le succès est dû à la forme plus qu’au contenu. Combien sont-ils, ceux qui ont lu la petite brochure intitulée : « Le programme du Parti National-Socialiste Allemand des travailleurs » ? C’est d’ailleurs par la force des choses un ouvrage peu cohérent : un nationalisme ardent y côtoie un socialisme vague. Le nationalisme essaye de donner un sens plein au mot « allemand ». Il reprend l’idée de patrie dans son plus mauvais sens (un égoïsme aveugle et illimité) et le mythe inissible de race : l’avenir de la patrie dépend de la pureté de la race. Dans le troisième empire, seuls les Allemands seront citoyens. Tous les Juifs seront expulsés. […] « Comment se fait-il, me dit un jour un élève à la mine grave, que vous ne soyez pas ionnés en par le problème de la race noire ? Ne voyez-vous pas qu’avec votre système tout l’avenir de la race blanche est en jeu ?
Presque tous confondent l’opinion de leur parti avec la vérité : « Mon parti a raison, c’est pour cela que je l’ai choisi, tous les autres ont tort. Luttons pour la vérité. » C’est dans le même esprit que certains Allemands déclaraient, pendant la guerre, que Dieu était de leur côté. […] Qui n’est pas patriote le deviendrait à ce régime. Un journaliste ayant appris qu’en les autos allaient à droite (rechts) écrit, dans le Journal de Philisterburg, qu’en les autos ont le droit (das Recht) d’aller où elles veulent.
Jacques Decour est le pseudonyme de Daniel Decourtemanche, (21.02.1910 – 30.05.1942). Né à Paris, il fut un écrivain, germaniste, enseignant et résistant qui fut fusillé au fort du Mont-Valérien de Suresne.
Après son mariage, en 1929, un premier roman, en 1930, (Le Sage et le Caporal), il est nommé un an, en 1931, assistant de français en Prusse au lycée de Magdebourg dont il tire de son Journal le présent ouvrage. De retour en , il adhère au Parti communiste, milite, nommé à Paris devient rédacteur en chef de la revue Commune (dont le directeur est Louis Aragon). À l’occupation, il entre dans la résistance et crée, notamment La Pensée libre qui fut la plus importante publication clandestine de la zone occupée. Arrêté par la police française, remis aux Allemands, il est fusillé comme otage le 30 mai 1942. (source : Wikipédia.)
La photo de première page reprend Semperoper, contre-jour, prise par Sylvie Savary
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